Quand on arrive à l’âge vénérable de 125 ans, une fête d’un jour ne suffit pas. C’est pourquoi le Victoria Golf Club, fondé en 1893, célèbre tout au long de l’année son anniversaire. Le Championnat canadien mid-amateur masculin, qui se déroule du 21 au 24 août sur les spectaculaires links en bord de mer du Victoria, est un élément majeur de cette grande célébration.
« Notre date de naissance est en réalité le 7 novembre, précise le professionnel en titre Lindsay Bernakevitch. À ce moment-là, nous aurons un tournoi de membres, mais ce 125e jalon a été notre principale motivation pour obtenir ce championnat national et fêter en grande. »
En juillet, au sommet de la saison de golf, un grand gala d’anniversaire a accueilli plus de 650 personnes au club et au début d’août, un grand thé à l’anglaise a été organisé sur le vert d’exercice.
Le Victoria Golf Club est le plus ancien parcours de 18 trous au Canada qui n’ait jamais déménagé. C’est aussi l’un des plus beaux de tous. Aménagé sur un vaste terrain de Gonzales Point dans la municipalité d’Oak Bay, le golf offre des panoramas à couper le souffle du détroit de Juan de Fuca. Comptant d’abord 14 trous à sa fondation en 1893, le parcours a été allongé à 18 trous deux ans plus tard.
Les premières années, les golfeurs partageaient le terrain avec les moutons et les vaches qui paissaient paisiblement dans les pâturages de la famille Pemberton. L’été, le parcours était interdit au jeu.
« Les golfeurs devaient ronger leur frein pendant trois mois chaque été pour laisser les bêtes paître dans les allées », écrit Arv Olson dans son ouvrage historique Backspin: 100 years of golf in British Columbia. « Les verts étaient ceinturés de clôtures pour les protéger des marques de sabots. Les membres s’étaient adaptés et avaient appris à éviter les obstacles laissés par le bétail vorace. »
Les trous les plus remarquables du Victoria se trouvent sur la pointe de la péninsule, au bord de l’océan, allant du 3e au 10e trou.
Le trou emblématique est le no 7, autrefois une longue normale 3 maintenant convertie en normale 4. Le flanc droit épouse le rivage et mène à un traître vert sur deux paliers inclinés vers la mer, vert qui a connu son lot de triples et quadruples roulés au fil des ans.
À la seule ronde qu’il a jouée au Victoria, Ben Hogan a trouvé le moyen de faire rouler sa balle hors du vert, dans la mer.
« C’était une normale 3 dans les années 1950, quand il a joué ici, raconte Mike Parker, l’ancien pro en titre, pendant de longues années, du Victoria Golf Club, aujourd’hui professionnel émérite. « Il a frappé son coup roulé à partir de la lisière droite du vert, jusque dans la flotte. À l’époque, c’était hors limites, pas un obstacle d’eau latéral, et Hogan a dit que c’était la seule fois de sa carrière où il avait fait rouler une balle hors limites. Toute une histoire! »
Au nombre des membres célèbres du Victoria, en 125 ans, se compte A.V. Macan, arrivé en Colombie-Britannique de son Irlande natale en 1910 pour y ouvrir un cabinet d’avocat. Après avoir remporté son deuxième Championnat amateur de C.-B. consécutif en 1913 à son club d’attache, Macan a fermé boutique pour se lancer dans ce qui allait devenir une fructueuse carrière d’architecte de golf.
Les membres du Victoria sont très fiers, et à juste titre, de la riche histoire de leur club. Depuis plus d’un siècle, ils jouent un tournoi interclubs annuel contre le Seattle Golf Club. Hormis un hiatus de trois ans durant la Seconde Guerre mondiale, les matchs se sont disputés sans discontinuer depuis 1903.
« C’est une rivalité très amicale, comme un match de soccer entre amis, souligne Parker. On aime bien gagner, et tout le monde fait son possible pour ça, mais c’est aussi, en grande partie, une bonne occasion de fraterniser. »
Le parcours du Victoria est relativement court, à l’aune des normes actuelles. À son extrême limite, il fait environ 6 200 verges et affiche une normale de 70.
« Il n’est pas rare de voir des golfeurs arriver ici et dire, en regardant la carte de pointage, qu’ils vont facilement dompter le parcours parce qu’il est si court, note Parker. Mais ils n’y arrivent pas… ça dépend surtout du temps qu’il fait. On va voir de bons scores, des 65 ou 66, mais pas autant qu’on pourrait croire. »
En 1993, dans le cadre des célébrations de son centenaire, le Victoria a été l’hôte du Championnat canadien amateur masculin. Le score du gagnant, l’Australien Gary Simpson, a été de 281, soit un de plus que la normale.
« On peut occasionnellement faire de bons scores, ici, dit Bernakevitch, et j’ai moi-même signé d’excellentes cartes. Mais les verts sont difficiles et, quand le vent se lève, la normale est déjà un bon score. Tant qu’on joue la normale, on est dans la course, mais il se peut fort bien qu’un compétiteur connaisse une semaine exceptionnelle, on ne sait jamais. C’est un parcours assez tordu, il semble toujours maître du jeu. »
Soulignons qu’il vente presque toujours au Victoria, un peu, parfois beaucoup. Bernakevitch, qui vient de la Saskatchewan, en est à sa cinquième année comme professionnel en titre du Victoria et il se considère des plus choyé d’avoir décroché ce poste.
« Quand j’ai laissé tomber la vie de circuit et décidé de m’établir dans un club, c’est ici que je voulais travailler, dit-il. Je m’étais fait une liste d’objectifs, il y a à peu près huit ans, et le Victoria était dans ma liste de clubs où je souhaitais devenir pro en titre. Me retrouver ici, c’est un rêve qui se réalise, avec tout ce que je désirais : des membres formidables, un parcours fantastique, l’air marin et un décor spectaculaire… Chaque matin, en arrivant au travail, je me pince! »
Il est plus que probable qu’au nombre des concurrents mid-amateurs qui se pointeront au championnat ce 21 août, il s’en trouvera plusieurs à se pincer quand ils verront le Victoria Golf Club pour la première fois. Les demandes d’inscription ont été phénoménales pour jouer ce parcours vraiment exceptionnel, et Berkanevitch affirme qu’ils ne seront pas déçus.
« Le terrain est magnifique en ce moment, dit-il. Sur toute sa longueur, le parcours est en excellente condition. Tout est en santé, des allées aux fétuques, des herbes longues aux verts, aussi parfait que j’ai jamais vu en cinq ans. C’est super excitant pour nous tous. Nos membres bénéficient d’un superbe été de golf et ce sera une semaine de tournoi exceptionnelle. »